Août

Lundi 12 août
Anniversaire de Heïm. Les cadeaux sont remis tôt ce matin.
Hier, Heïm nous fixe les contours de ce qui nous attend : un dur combat contre mille et une adversités, la poursuite de la grande œuvre, la constitution d'une fortune et l'épanouissement de nos idées.
Pour se protéger de l'adversaire social et, le cas échéant, l'attaquer, nous devons maîtriser son arme, le juridisme.
Triste rôle du droit dans la société démocratique et républicaine : non pas régir les rapports entre les hommes, non pas la Justice, mais donner à ceux qui le connais­sent, et bien plus à ceux qui le sentent, le moyen de manipuler les autres.
Voilà qui doit nous fixer dans nos objectifs. Je pratique depuis peu le droit au quotidien, au gré des nécessités. Très vite, je mesure l'inefficacité de l'enseignement univer­sitaire français. A trop commettre ses concepts avec les tics idéologiques de l'époque, même dans le si sujet à caution domaine commercial, il s'évapore comme buée au soleil dès que germe un problème primaire et qu'une solution concrète s'impose.
Malgré cela, se transcender toujours doit être le fil d'Ariane, l'énergie du pèlerin quêteur d'absolu.

Mercredi 14 août
Le déjeuner d'anniversaire se prolonge huit heures. Grandiose pour l'intelligence. Les repas-catharsis de Heïm révèlent les êtres au tréfonds d'eux-mêmes. « La vérité de la vie en face » conclut Maddy. Gé­nérosité de la langue, l'enivrement sert de ré­vélateur.
J'écris ces lignes à quelques mètres de Notre-Dame. La rue d'Arcole chauffe son asphalte au rythme des chairs cuivrées qui la foulent.
J'attends mon pater, de retour de Grèce.

Nuit dernière avec Kate dans la maison de ses parents partis quelques semaines en va­cances. Enchanté de ce bref passage, malgré quelques comportements et paroles qui m'agacent.
Je suis souvent tiraillé entre mon attirance char­nelle pour elle et mes réticences morales, mais j'aime pro­fondément cette demoiselle.

Jeudi 15 août
Je roule vers Kate, du moins j'essaie. Je viens de me tromper de train, tête en l'air que je suis. J'espère trouver une correspondance à Chelle pour Lagny-Thorigny.
Quelques jours de farniente avant le commencement du travail.
Ce qui se passe dans le monde depuis la fin de la Guerre du Golfe ne me pas­sionne guère. Occupé par la prise de responsabilité comme gérant de la seru, et comme administrateur-gestionnaire de la sebm, monopolisé par Kate pour les rares instants qui me restent, je me détache pro­gressivement de la politique nationale et interna­tionale.
Je vais m'efforcer de me remettre à jour pour fus­tiger tout ce qui me paraît aberrant.
Les nuits d'août sont météoritiques. L'immen­sité offre ses poussières de feu comme des éphé­mères. L'œil tourné vers les cieux, je suis rapi­dement pris de vertige. Je concentre mon esprit vers le lointain, jusqu'à ce que la terre et mon mètre quatre-vingt de chair, d'os et de poils (eh oui...) retrouvent leur relati­vité. Sensation que l'intelligence peut tout englo­ber, sans pourtant rien connaître. Mais at­tention ! la règle d'or est de toujours éviter la masturba­tion intel­lectuelle du genre : où est l'étagère sur laquelle cours-je ?
Je me mets à la gestion financière dans un ouvrage écrit par une tête blonde de hec. La pelletée de no­tions à assimi­ler rend la matière ésotérique, alors que le fond relève de la simple lo­gique d'action.

Samedi 17 août
Partout le pouvoir est aux mains des crasses immorales.
Je parcours Échec à la dictature fiscale de l'inspecteur-vérificateur alias Olivier Matthieu, je m'informe sur l'implosion de la BCCI, antre d'un des plus gros scandales financiers de cette fin de siècle, je croule sous les affaires politiques fran­çaises, et je songe alors à une force organi­sée au service de la belle humanité, l'intelligente, l'intègre, qui neutraliserait toute crapule imbue de son illégitime puissance, celle qui bâillonne, terrorise les rétifs à la bourbe, les dénonciateurs de coquins fangeux, nuisibles répandus à tous les échelons étatiques. Ce contre-pouvoir n'aurait point d'objectif de conquête à la Iznogoud, mais la protection de ceux qui combattent les systèmes et pratiques interlopes de ce bas monde. Pour que naisse cette force d'intervention, des finances conséquentes s'imposent. Là est le hic.

Dimanche 18 août
Exemple d'injustice drainée par l'idéologie communiste. Andrei Chesno­kov, joueur de tennis soviétique, nous ex­plique : si je gagne un tournoi, ma « fédération » me laisse une somme dérisoire, identique à celle d'un compatriote perdant. Le gros de la récompense allouée par les organisateurs capitalistes rejoint certai­nement les caisses du Parti.
Dans le train, je quitte Kate à l'instant.

Hier soir, elle me présente quelques accointances. La fon­due bourguignonne avec le couple Barbara-Lionel et la rondouillette Christel, nouvel­lement amoureuse d'un chauf­feur de bus, se déroule sans accroc. La conversa­tion s'éparpille : les ani­maux, l'édition, la place actuelle de la femme, Dieu, etc. L'entretien s'achève vers les deux heures du matin.
Kate a ses petites choses. Je redoute l'humeur exé­crable. Elle se révèle d'une douceur sans pareille.
Avant mon départ, autour d'un bon thé revigorant, Kate fond en larmes à l'idée de mon départ. Je la console non sans mal. Moment très touchant qui exacerbe notre attachement profond l'un à l'autre. Notre amour va croissant.
Je retourne ce soir au château. Dès de­main matin, je refoulerai toute légèreté sentimentale au profit de l'efficacité professionnelle.

Lundi 19 août
5h30. Coup d'État en urss. Gorbat­chev, Corvée d'chiottes comme le surnomme Heïm (clin d’œil à Co­luche), ne fait plus tache dans les hautes fonctions.
Autre drame : la salope en bonnet phrygien des PTT s'offre dorénavant pour 2,50 francs.
Je dors cette nuit dans la maison de Julie, seul, comme Kate l'est dans la sienne.
Le travail est pour ce matin. Je dois déterrer les affaires laissées en suspens et réacti­ver le tout.
Ce soir. Après la Roumanie et sa floraison d'escrocs, après la Guerre du Golfe et son vrai-faux ordre interna­tional, la clique médiatique glose sur la déstabilisation poli­tique de l'URSS. Si le coup d'Etat résiste, la bouffonnerie grandissante de Big Média nous fera peut-être entendre son cri de
ralliement : « La perestroïka est morte, vive la new guerre froide ! ».
Ce matin, dans la pommeraie, nous découvrons la piscine éventrée par des branleurs de seconde zone. La rage nous prend au ventre. Des envies d'os brisés et de gueules en sang montent en nous. Nos tripes sont incandescentes.
La sanction sera plus subtile. Après repérage de l'ouverture par laquelle ils se sont glissés, nous la truffons de tessons de bouteilles pour hono­rer leur prochaine visite. Si intention récidi­viste il y a, les chairs tailladées ra­bougriront ces piètres merdeux.

Mardi 20 août
Journée chargée. Nombreux problèmes juridi­ques à résoudre pour les licenciements éco­nomiques. Confronta­tions téléphoniques avec la glaireuse administration.

Mercredi 21 août
Je termine la journée d'hier. Le glas de la plume et le plomb aux paupières ont précipité l'abandon rédactionnel. Ceci écrit simplement.
Après consultation des fonction­naires de plu­sieurs directions du travail pour quelques tracas juridiques, je participe à une marche dans Omié­court au côté de Heïm, Karl et Hubert. Objectif : repérer les connards qui ont troué la pis­cine. Rien dans les rues. Il règne un climat malsain de calfeutrement général. Les médiocres se cachent.
Aujourd'hui : revue du personnel re­pris par les deux structures commer­ciales. Nous recevons un à un les employés. Très édifiant de les voir entrer tendus, angoissés sur le sort qui les attend. Métamorphose des forts en gueule, des lurons de toutes cordes, des crâneurs à la témérité de parade dès qu'ils croisent notre regard. Nous décidons à cet instant de leur avenir matériel.
Le pouvoir sur les êtres, quel qu'il soit, doit s'exercer avec sagesse hors de toute volonté de puissance.

Jeudi 22 août
Journée à la mer, non loin de Berck-sur-Mer, avec la grand-mère B., Maddy, Alice, Hermione, Hubert, Karl et moi. Très agréable moment. Je suis ce soir vanné.
Les heures se consument entre marche et nage. Les chairs zieutées n'exhalent pas la beauté et la fraîcheur attendues. L'écume lèche des pâlots du bide, des flasques de l'entournure, obésité pendante pour les messieurs, cellulite lunaire pour les dames, le tout surmonté d'un semblant de gueule où l'abrutissement creuse les difformités congénitales. L'homme demeure un animal grégaire. La convivialité mal­saine l'entraîne vers la masse à laquelle il se colle, tel un parasite supplé­mentaire.
Ce soir, Kate m'appelle au château. Elle mêle douceur et pétillement. Avant de raccrocher nous échangeons de gros bisous. Un baume idéal avant le dodo.
Je la rejoins de­main, juste après m'être rendu à la caserne d'Artois sise à Ver­sailles. Je devais solliciter un nouveau report du service militaire avant le 31 juillet. Il est grand temps d'agir.

Dimanche 25 août
Le ministère de la Défense a parfois de bien belles recrues : deux grandes adjudantes blondes m'accueil­lent pour le report d'incor­poration. J’aurais fait volontiers mes six jours en leur com­pagnie. Aucun pro­blème pour ma deman­de : je reste sursitaire jusqu'à 23 ans pour effectuer mes études. Après, il faudra laisser au ministère de la Défense le soin d'apprécier ma requête de dispense pour continuer ma gérance de société.
Le soir, je pointe le museau à Lagny-Thorigny et j'attends comme à l'habitude Kate la traînarde. Cinq, dix, puis trente mi­nutes que je poireaute. Je me décide à téléphoner. Occupé. Je compose le numéro une bonne vingtaine de fois pour enfin l'entendre. Explication : appel de son ex-premier petit ami (aujourd'hui sim­plement (!) ami) Jean-Pierre, l'auteur d'une défloration bâclée.
Ma colère est énorme, je bous de toutes mes fibres et j'explose. La cabine en tremble. J'hésite : dois-je re­partir pour toujours ou l'attendre pour mieux l'engueuler ? Je me résous à la rejoindre. Mes remontrances se poursui­vent dans la voiture et s'achèvent sous le toit.
L'attitude de Kate est in­acceptable. Je ne sais si elle a agi par incons­cience, par irrespect total à mon égard ou par désir de nuire. Premier coup im­portant porté à notre relation : il n’est en rien dramatique s’il ne se révèle pas le premier d'une série.
Le séjour, agréable, compense l'incident.


Actualité internationale : j'ai oublié de noter le fiasco complet du putsch en urss Le pâle Ia­naev et ses com­plices ont loupé leur coup. Trois petits tours média­tiques et puis s'en vont.
Gorbatchev ressuscité, Eltsine triom­phaliste, l'échec du renversement nous enseigne le principe politique d'Archimède : l'effet d'un coup d'Etat dans l'eau est inversement proportionnel à celui qu'on escompte.
Tout le monde hurlait au retournement historique, voilà la gigantesque union revenue à la case départ, un peu plus déphasée qu'avant. La liesse populaire passée, les déficiences écono­miques mouleront à nouveau l'humeur des sovié­tiques et leur abhorration des dirigeants en charge de leur destinée.
La perestroïka accélérera peut-être son rythme. Aucun conservateur n'osera se risquer à un nouveau coup de force en forme de farce humiliante.
L'URSS, monstrueux amalgame, n'a plus rien d'unifié. La dislocation se poursuit par l'émergence des nationa­lismes.
Dieu, le totalitarisme et le communisme sa­vent y faire avec les peuples : gueule fermée, tête baissée, un point c'est marre.
Ce soir j'appelle Kate, triste et an­goissée après mon départ. Douce et aimante, je me sens trans­porté par ses attentions. Ce soir, elle dormira avec mon gilet oublié dans sa chambrette.
Bientôt une heure du matin. Malgré un mal tenace au bas du dos, je me décide à étreindre le polochon.

Lundi 26 août
Journée bien remplie qui en laisse présager d'autres, encore plus chargées. Ce transfert d'une structure à l'autre res­semble à une singulière mutation où le foutoir menace de triompher à chaque instant.
Je n'ai toujours pas digéré l'offense de Kate. La méfiance s'insinue comme un germe malsain.
Elle doit comprendre ma conception de la vie et d'une relation amoureuse. Triste et déchiré, je suis résolu à ne rien concéder de fondamen­tal. Je tente d'expliquer à Kate ce que je res­sens. Je la rappelle, un peu plus tard, pour l'embrasser très fort afin qu'elle ne reste pas sur l'impression amère d'un abandon.
A l’encontre d'autres jeunes filles disposées à suivre en confiance l'homme qu'elles aiment, Kate est structurée par une éducation où se côtoient l'égoïsme, l'arrivisme et le snobisme. Je l'aime : j'adore sa ten­dresse et sa malice, mais le fossé reste entre nous considérable. C'est à en pleurer, mais je préfère une lucidité qui tranche dans le vif du drame embryonnaire qu'une paire d'œillères masquant les dérives irréparables. La vie est trop brève pour cultiver ses inconsciences.
Aucune nouvelle des affaires fran­çaises, des écroulements sovié­tiques, de la choucroute nippone et de la hauteur d'esprit de l'inénarrable secrétaire général du PCF.
Petite indiscrétion tout de même : le Marchais des va­leurs marxistes tente de ne pas « kracher ».
Les communistes français ne sont pas à la fête. L'humanité les abandonne. Sans inquisition, le ridicule découragera, on l'espère, les plus fraîchement convertis. Quoi qu'il arrive, saluons la solidité de la foi des anciens face aux dizaines de millions de morts induits par leur doctrine. La France restera peut-être comme la réserve naturelle des derniers spécimens, des scrogneugneus irréductibles, témoignages en pied d'une déviance intellectuelle majeure du XXe siècle.
L'ère du capita­lisme et des voyouseries démo­cratiques n'a malheureusement rien de plus ragoû­tante.

Mardi 27 août

Du travail à l'appel. Contacts téléphoniques pour des transferts de contrats, rédaction de divers courriers, solutions à des problèmes ju­ridiques : le tout le plus rapidement et le plus jus­tement possible. A vouloir englober tous les aspects d'un transfert, on déniche toujours une chose à faire.
Hier, Heïm nous rappel­le un des grands problèmes pour gérer correctement une société : la maîtrise du temps imparti. Je vais bientôt tester mes capacités en la matière lorsque je cumulerai mes fonctions de gérant de la seru, d'administrateur de la sebm, et mes oripeaux de sorbonnard pour étudier deux maîtrises de droit (af­faires et social).
J'oublie ma 'tite Kate, avec qui j'ai réglé ce soir un petit différend. J'apprécie chez elle sa facilité au dialogue, qui évite de sombrer dans le
non-dit grignoteur d'amour. Je suis sans doute trop systématique. Par soucis de clarté, je stigmatise, sitôt décelé, ce qui m'apparaît comme des travers. Ce n'est pas céder à un instinct tyrannique, mais tenter d'améliorer le rapport après les premiers flashes aveu­glants de la passion. Tout va très bien, et sans « Mme la Mar­quise ! », mais je suis à cent lieues de maîtriser les tenants et les aboutissants de notre rela­tion. La meilleure des attitudes est de laisser s'épanouir l'union et de rester à l'affût des signes négatifs.
J'ignore ce qui se trame dans le reste du monde. Mon égocentrisme a certainement gonflé ces derniers temps. J'écris en effet plus volontiers lorsque le sujet me touche de près.
Je ne me soucie pas plus que cela de mes lacunes : les occasions de disserter sur les malfaisances de la rentrée politique et médiatique ne manqueront pas. J'attends leurs tronches d'arrivistes avec appréhen­sion, mais remonté à bloc par une agréable excitation pamphlétaire.

Mercredi 28 août

Pour mon travail prospectif, je reçois un directeur de vente au label Turgot, gros­siste en matériel de bureau. Grand dadais, imbu sans modération, garni d'une bonne couche de couenne en guise de cervelle, il se pointe avec une heure de retard sans la moindre excuse... Le type d'humanoïde à pendre haut et court. Dur de s'adapter à ce monde de mar­chands de cacahuètes.
Kate au téléphone. Gentille conver­sation.

Une campagne publicitaire tente actuelle­ment de convaincre le citoyen qu'un si­daïque est un être hu­main comme un autre. Des portraits d'hommes, de femmes et d'enfants illustrent ces questions lancinantes : « Si je suis séropositif(ve) tu danses avec moi ? tu joues au ballon avec moi ? tu parles du beau temps avec moi ? tu me suces le sexe ? » etc. Une seule en­vie : ajouter sur toutes les affiches « avant que je crève ! ». Odieux, mais tellement drôle.

Jeudi 29 août
En route vers Paris.
Une journée de plus à la trappe sans que je parvienne à ne rien laisser en suspens. Les urgences se bousculent. Elles sont le lot de toute prise de responsabilité conséquente.
Au hasard, quelques exemples de choses à faire : dénicher une offset à louer ou d'occasion, une plieuse aux capacités su­périeures à l'actuelle, écrire et faire taper di­vers courriers, déterminer pour l'association la manière dont elle détient chaque matériel, régler des problèmes ju­ridiques, s'occuper du dépôt de marques à l'inpi, etc.
Reste l'amour : je le re­joins par les rails.

Vendredi 30 août
Un malaise me prend à chaque immersion dans la gluance parisienne. A la descente du train, le marais grisâtre de la Gare du Nord me souffle ses flatulences.
Pre­mier des efforts : intégrer la masse en mouvement sans laisser transparaître une pointe d'humanité. Un faciès dépersonnalisé est le masque convenu de la concentration vivotante. Pour son intégrité, pour préserver ses quelques espérances, il ne faut pas s'attarder.
Je plonge à toute allure dans les profondeurs métropoli­taines, cour des miracles labyrinthique aux va­peurs lourdes. Les peaux collent entre elles, les bouches fétides à quelques centimètres attisent mon dégoût, les imperfections physiques de chacun s'imposent en gros plan. Les gueules de passage ont le souci d'en sortir, les gueules louches s'enracinent comme dans un chez-soi obligé. L'affluence vous donne le tour­nis dès que vous ne suivez pas le rythme. Pauvre condition que cette survie souterraine. La puissance dégénérative est telle que je me surprends parfois à me comporter comme un spécimen du cloaque.
Un comique décelait, chez un ani­mateur poids lourd de la té­lévision, des dons pour communiquer avec le cosmique en ce qu'il maîtrise parfaitement l'intelligence du vide. Voilà bien une déviance que l'on chope sans mal dans cette civili­sation de l'entassement ex­cessif et du déplacement inutile.
Toute cette semaine, à sa demande, je réveille Kate à huit heures par té­léphone. Elle me répond avec une petite voix d'enfant tirée des songes. Si je renouvelle l'appel quelques heures plus tard, la voix retrouve un timbre prestatif, presqu'inaffectif. Curieuse mutation.

Samedi 31 août

Nous venons de visiter le château de Guer­mantes. Passage de pièce en pièce, à la remorque d’un vieux monsieur, apparemment très gentil, mais au physique draculo-carabossien : visage éma­cié, courbe dorsale accentuée, narration gutturale, regard de cataclysme... une panoplie complète pour sataniser les soirées de pleine lune.
Les lieux sont parés de peintures murales, de portraits en pied, de meubles en bois précieux. La grande salle de réception rappelle en version miniature le style grandiose de Versailles. Parc dessiné par Le Nôtre.
J'inscris quelques mots dans le livre d'or avant de quitter cette terre, muse de l’écrivain au style fleuri... Le séjour s’entache de quelques larmes. L'approche des exa­mens de rattrapage fragilise la psychologie de Kate. Très agréable dans ses meilleurs moments, elle glisse sans préliminaires, par à-coups hystéri­ques, vers sa mauvaise zone.

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